RESUME DU DOSSIER
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Lettre à un exploitant forestier de Haute-Garonne
ayant travaillé avec tracteur à tête-abatteuse (Extraits)
(Société réalisant annuellement plus de 3 millions d'euros de chiffre d'affaires)
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Auteur : Lilian Brunel publié le 30 -05 2020, dernière modification le :
LETTRE OUVERTE A L'ATTENTION DE MONSIEUR (...)SOCIETE (...)
<< Monsieur,
Votre société a travaillé en 2018 sur le territoire syndical des communes de Massat-le Port avec pelle-mécanique et tracteur forestier dit "abatteuse". Les travaux que vous avez réalisés se sont traduits par des éclaircies forestières qui ont aéré le sous-bois et dont nous pensons comprendre les motifs financiers, sylvicoles, voire environnementaux. Pour autant, ce qui nous a davantage frappé c'est un certain nombre d'atteintes que nous jugeons abusives et dont nous reparlerons plus loin. Or, d'après ce qu'il nous a été dit, vous devriez revenir cet automne, pour finir un certain nombre de travaux .C'est donc dans un souci de limitation maximale des atteintes futures que nous vous écrivons, en espérant une écoute attentive de votre part.(...)
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Depuis l'été 2019 date à partir de laquelle nos observations méthodiques ont débuté et occupé tout notre temps, nous avons eu l'occasion de contacter ou de rencontrer les différents protagonistes de cette affaire: Ex-président du syndicat des montagnes de Massat-le Port (chargé notamment de la gestion des forêts communales) ; agent de l'ONF, directeur ONF et cheffe ONF; maire du Port, maire de Massat (nouveau président du syndicat des montagnes de Massat-le Port), mais aussi chasseurs, conseiller municipal ayant travaillé dans l'exploitation forestière, et associations de protection de la nature (Comité Ecologique Ariégeois, Chabot, Association de sauvegarde du courtal de Peyre Auselère, représentant du Parc Naturel de l'Ariège.), ... Il ne s'agit donc pas ici, d'un travail d'observations qui serait isolé sur lui-même.
En ce qui concerne l'utilisation d'une abatteuse, il importe de savoir qu'un certain nombre de spécialistes ont mis clairement en évidence la remise en cause de ce type d'engins sur sols humides (ce qui est le cas ici), voire sur versants trop pentus. Car cela oblige alors à la réalisation d'atteintes lourdes : atteintes sur les sols et donc sur la biodiversité elle-même. Rappelons que les sols représentent l'écosystème le plus dense en espèces animales qui soit. Et que, par voie de conséquence, les malmener c'est nuire à la qualité et à la productivité des peuplements eux-même.Toujours selon des experts, sur sol mou, six ans après un seul passage de l'abatteuse puis du porteur ce sol reste impacté. Par contre ce que tous les experts semblent oublier de dire , c'est qu'en règle générale, la construction de toute voie forestière est bien pire pour le sol que tout passage d'engin sur sol mou (puisqu'il y a anéantissement pur et simple du sol d'origine, lui-même ) .Or dans le vallon ici en cause, nous avons dénombré 23 pistes forestières nouvelles dont 3 plus ou moins indéterminées quant à leur nature exacte (piste ou tire).Le tout réalisé sur une surface de moins de 80 hectares.Soit une très forte densité de voies forestières.
Donc ici, c'est davantage le nombre de voies forestières qui est en cause (pistes et tires) que le tassement du sol sur une grande surface, même si ce dernier point n'en reste pas moins des plus préoccupants.
Bien entendu, il reste toujours possible de minimiser ou de nier ce type de constat : comme il est toujours possible de positiver n'importe quelle réalité négative si dramatique soit-elle (dès lors qu'on n'en souffre pas soi-même), et les atteintes ici en cause n'échappent pas à la règle. (Exemple : si, dans telle zone humide, l'on extermine une espèce rare par passage d'engin lourd qui l'écrase définitivement on peut toujours dire que cela bénéficie à des espèces communes (la nature ayant horreur du vide ).Pour autant c'est bien l'espèce rare qu'il importait de privilégier et non les espèces communes.)
L'impact global des atteintes ici en cause est connu depuis longtemps: il a été mis en évidence par des experts en ce qui concerne sa responsabilité sur la régression voire sur la disparition pure et simple de nombreuses espèces.
Cet impact négatif se traduit également au niveau de l'aspect authentique et fondamental de la montagne, si recherchés eux-mêmes, au niveau national, par des millions de visiteurs,
En réalité, les atteintes s'avèrent ici de plusieurs ordres.Et sont presque toutes photographiables.En effet, ce travail d'observations qui nous a obligé à arpenter l'ensemble de la zone forestière , s'est soldé par plusieurs centaines de photos dont plus de 500 qui concernent directement les impacts. (...)
[LISTE NON EXHAUSTIVE DES ATTEINTES]
[Pour chacun des paragraphes numérotés qui suit le lien permet d'afficher des photos correspondantes ]
1. nombreuses orrnière longues et profondes La majorité des ornières ici en cause ont une profondeur qui se situe entre 50 et 70 cm.soit des ornière classée par des experts et selon les différentes écoles, de niveau 3 à 6 Ce qui est considéré par ces experts comme beaucoup trop. ( Quelques ornières frisent même le mètre de haut (Avec un record pour l'une d'elles de 1,20m de profondeur . )
2. constructions de 23 pistes forestières dont l'emprise sur les sols d'origine peut avoisiner, pour certaines, les 8 mètres de large. Réalisation également d'au moins 8 tires presque aussi impactantes, voire plus. En effet, nous considérons comme atteinte sensiblement plus grave qu'un sol tassé toute construction de voie forestière : puisque chaque fois le sol d'origine y disparait. Toutes les pistes de débardage (et/ ou pistes dite cloisonnements d'exploitation ) ont donc été recensée: soit pas moins de 23 pistes nouvelles dont 3 plus ou moins indéterminées quant à leur nature exacte (piste ou tire) + 8 tires dûment inventoriées également. Le tout réalisé sur une surface de moins de 80 hectares.Ce qui témoigne d'une très forte densité de voies forestières.
3. Empiètement partiel, par construction d'une piste et d'une tire de débardage sur une zone fréquentée par deux espèces remarquables dont l'une sur listes rouges. (cf photos)
4. Déséquilibre d'un certain nombre d'arbres tombés à terre, en bordure de talus de pistes ou de tires; en raison d'engins ayant raclé le sol à leur pied ce qui a fragilisé leur équilibre par quasi mise à nus des racines ) et par là même compromis leur résistance aux vents.(cf. photos)
5. tassements des sols sur une surface évaluée entre 20 à 4O hectares en y incluant la surface d'emprise des 23 pistes (des mesures plus précises seront prises). Emprise = largeur de la plate-forme + largeur des talus ; Avec tassements de sols sur des zones où les engins auraient pu aisément éviter de passer. Exemple: au niveau du virage en épingle d'une piste délimitant sur sol plat , une zone très étroite et où il suffisait de rester sur la piste pour opérer le prélèvement.
6. Détournements de points d'eau.En effet, durant les travaux, les engins ont soit déterré des sources souterraines, dont notamment sur la P2 ou deux sources ont coulé longuement sur la plate-forme, soit dévié des eaux de ruissellement notamment au niveau de la P3 (cf : photos )
7. amplification éventuelle du risque d'inondations Notons également qu'en tassant le sol sur une grande surface comme en construisant de nombreuses pistes, c'est tout le régime de l'eau du vallon qui est lui-même , à une échelle très modeste - mais certaine - impacté: plus bas, au fond de la vallée, où plongent deux ruisseaux-torrents nous avons assisté ces dernières années à des crues spectaculaires certainement en corrélation avec le réchauffement climatique, mais peut-être aussi avec un excès de constructions de voies routières, tous azimuts dans la vallée correspondante (pistes forestières, pastorales et routes touristiques ) Rien donc, ne permet de dire que toute nouvelle construction de piste ne soit pas la future goutte d'eau par le biais de laquelle le vase débordera. (cf photos et annexe au sujet des inondations qui seront peut-être insérées, soit dans cette lettre soit sur Montagne-protection.org)
A l'évidence, tout cela relève d'un nombre excessifs d'atteintes qui, en aucun cas, ne s'aurait se revendiquer de la gestion durable. Forcément, la biodiversité elle-même en a fait les frais avec très possiblement des impacts regrettables sur des espèces endémiques méconnues voire inconnues. Dans tous les cas, toute personne attachée aux lieux ne saurait accepter un tel bouleversement .
CONCERNANT LES NOUVEAUX PROJETS DE PISTES FORESTIERES ET TIRES DE DEBARDAGE
Rappelons: il s'agit ici dans la perspective des travaux qu'il resterait à terminer de tenter de parer à des atteintes nouvelles tant sur les paysages, les sols, la biodiversité que sur deux espèces en particulier l'une plutôt rare à très rare dans les forêts du canton de Massat, l'autre classée sur liste rouge.Toutes deux sont directement concernées par le devenir de la parcelle 10b.
De fait, plusieurs questions se posent quant à savoir comment limiter les futures atteintes, voire n'en commettre aucune:
Comment comptez vous exploiter la zone de la (...) (parcelles 8b et 8c (aval) ) et celle de la pessière (parcelle 12b.) ? :
ne pourriez vous utiliser telle ou telle technique, tel ou tel engin (avec par exemple très petit tracteur et/ou câble synthétique de 250 mètres) qui limiterait les dégâts? Autrement dit avec une technique qui éviterait le plus possible de sillonner ces bois de larges tires et/ ou de larges pistes? Une aide financière pour recours à une technique plus écologique ne pourrait-elle alors vous être accordée ?
Dans tous les cas, vu les articles (...) du Code de l’environnement et la loi sur la Biodiversité, mais aussi de la charte du PNR, il est clair qu’ils n’ont pas été respectés; le contrat lui-même que vous avez signé avec les gestionnaires (ONF, élus) a été enfreint, en particulier au niveau de la grande zone humide celle-ci ayant été traversée par au moins un engin de chantier. De fait, nous estimons qu’il devient particulièrement légitime de tenter de compenser le trop-plein de dégâts par l’abandon du projet de piste dans la parcelle 10b (pineraie). Mais également, concernant les zones de (...), de limiter la largeur des voies forestières à 3 mètres, voire moins.
Nous restons évidemment à votre disposition pour discuter de ces points dans le détail et tenter de voir avec vous d'éventuelles solutions, tant sous l’angle de vos intérêts financiers que sous celui du respect de la nature mais en sachant que nous ne saurions envisager la construction d’une piste dans la parcelle 10b, ni même voir d'un très bon oeil, dans les autres parcelles, toute construction de piste de 4,50m de large : nous en avons longuement expliqué les raisons aux élus et à l’ONF qui –conscients des enjeux écologiques, ont alors projeté, pour la parcelle 10b, l’éventualité de l’exploitation par câble. Plus précisément, l'ONF a proposé lors de la réunion du 10 septembre avec le CEA, une promotrice de la traction animale, des représentants de l'ONF et le maire de Massat (nouveau président du syndicat des communes) de soumettre cette parcelle à une étude d'exploitation par câble.
Pour la zone (...) (parcelles 8b et 8c (aval) , en zone dénudée (pâturage et lande de fougères), une largeur minimale de 2,50 m a même été envisagée par l'agent forestier; ce qui nous semblerait bien plus acceptable qu'une largeur de 4,50m L'agent forestier a également suggéré que l'entrée de toutes les voies forestières soit soigneusement refermée de façon à en interdire l'accès aux véhicules dits tous-terrains ( motos de trials, quads, 4X4,...)
En conséquence, nous vous demandons de bien vouloir prendre en considération nos objections.Et sans oublier que, terrain communal ou non, il s'agit là, au niveaux des secteurs considérés, d'un patrimoine montagnard ariégeois typiquement ancré dans des vallées habitées où le droit de regard ne saurait se réduire à celui de quelques personnes, si honorable soit leur fonction,leur travail, leur discours sylvo-économique ou leur intérêt financier. Nous sommes en démocratie et, sans vouloir à nouveau montrer du doigt qui que ce soit, il faudrait peut-être, que cela ne soit plus un vain mot.
Veuillez croire Monsieur, à l'expression de notre respectueuse considération..
Pour Montagne-protection
Lilian BRUNEL
(...) >>
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D'AUTRES IMPACTS ONT ETE OBSERVES
D'autres impacts ont été observés mais ne sont pas vraiment tributaires de l'emploi de l'abatteuse, encore que celle-ci oblige plus ou moins, dans un souci de rentabilité, à éclaircir sur de grandes surfaces. (plus les engins sont puissants et coûteux , plus il faut les rentabiliser, plus donc les volumes de bois à prélever seront importants (Ici, environ 8000 tonnes auraient été prélevées) Et ce, au prix le plus bas possible, pour le revendre au prix le plus cher possible. Nous sommes là dans une logique et système productivistes, similaires à ceux de l'agriculture intensive.
Suite à trois coups de vents, cette éclaircie a induit la présence de nombreux et volumineux chablis ( qui auraient été évalué à 6000 mètres cubes d'après ce que j'ai cru entendre..., soit pas loin de l'équivalent de ce qui a été récolté. )
De plus,compte tenu là aussi de la méthode industrielle utilisée qui n'avait pas pour mission de récolter tout ce qui était abattu, il en résulta également un gaspillage important, en bois .
L'entreprise forestière dont il est question ici, bénéficie du label dit PEFC lequel est censé garantir une gestion durable...Or ce label , on le voit pour cette affaire, mais c'est vrai pour mille autres, correspond quelque peu à une fumisterie :
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Format PDF (ensemble du dossier) : Lettre à un exploitant forestier de Haute-Garonne (construction de 23 pistes forestières, atteintes et nouveaux projets en Ariège et ailleurs)
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